Tandis que j’étais seul à l’appartement, remuant ciel et terre dans ma tête pour regarder chaque angle de ce que je venais d’apprendre concernant ma condition, tentant d’évaluer comment le tout pourrait changer ma vie et ce, même si j’avais déjà pris la décision de ne pas laisser cette maladie me rendre inactif, changer mes habitudes totalement, continuer à vivre malgré tout, mon téléphone portable se mit à vibrer dans ma poche. Je le sortis alors, surpris de remarquer que j’avais un message de mon grand frère qui me proposait d’aller au centre commercial. Ma première réaction fut alors de froncer les sourcils, puisque le centre commercial, ce n’était pas nécessairement un endroit de prédilection, que ce soit pour Evan ou pour moi. De plus, son enthousiasme me paraissait quelque peu inhabituel, à croire qu’il avait quelque chose derrière la tête, ce qui ne me surprendrait pas, puisque vu tout ce qui avait paru le préoccuper ces derniers temps, ce ne serait pas étonnant qu’il ne fasse plus les choses au hasard, sans avoir aucune arrière-pensée. Malgré ma réaction quelque peu sceptique, je finis par répondre « Ouais, je serai là ! », parce qu’Evan restait mon frère, celui qui m’avait élevé, et je lui devais tout, en plus d’en être très proche. Sitôt que j’eus envoyé le message, je me levai donc, sachant que je devrais me préparer, puisque je n’avais pas prévu de sortir aujourd’hui. Je passai sous la douche rapidement, histoire de me dégourdir un peu, puis je m’habillai on ne peut plus banalement, mis du gel dans mes cheveux pour les coiffer un tantinet, et je pris mes affaires pour quitter la place. J’envoyai un message à Sadya pour la prévenir qu’elle ne s’étonne pas si je n’étais pas là à son retour, puis je pris mon scooter afin de me rendre au centre commercial. Vu la petitesse de mon véhicule, trouver une place fut limite une partie de plaisir. Tout près de la porte, je retirai mon casque, le rangeai dans le soi-disant coffre de mon véhicule, et je rentrai, histoire de trouver mon frère. Heureusement, celui-ci n’était pas bien loin, donc je me rendis à ma rencontre, m’efforçant de plaquer un sourire sur mes lèvres avant de lui dire : « Salut ! Je ne t’ai pas fait trop attendre, j’espère ! »

Entendre Evan me demander aussi joyeusement, aussi candidement comment j’allais, réalisant que tout à coup, depuis quelques jours, cette question pourtant si simple, si banale, devenait limite un puzzle à chaque fois. Enfin, surtout cette fois-ci, considérant le fait qu’Evan ne connaissait pas encore ma condition, et que tôt ou tard, je devrais la lui annoncer. Par contre, je ne me voyais pas dire directement « Non Evan, ça ne va pas, je suis malade » alors que celui-ci semblait si heureux, qu’aucun signe de gravité ou de tristesse flottait dans son visage. De plus, c’était la première fois depuis longtemps que je me retrouvais seul avec mon frère, et celui-ci semblait si content qu’on se retrouve que ce serait limite ingrat de ma part de complètement gâcher sa bonne humeur et ce moment en lâchant ça, tout à coup. Sinon, autrement, je ne ressentais pas les effets de ma maladie, pas pour le moment en tout cas, puisque marcher dans un centre commercial n’était pas nécessairement une chose très exigeante physiquement, surtout pas pour moi, du coup, j’allais bien, si je pouvais le dire ainsi, mais il n’en demeurait pas moi que tout cela, ce qui s’était passé récemment, pouvait être relativement perturbant. Finalement, j’abandonnai l’idée de trop réfléchir à ma réponse pour le moment, et m’efforçant de sourire et paraître naturel, je lui dis alors : « Je vais bien, et toi ? », espérant alors au plus profond de moi-même que je paraitrais comme crédible aux yeux de mon frère, même si ce n’était pas nécessairement chose gagnée, puisqu’Evan me connaissait probablement mieux que quiconque, même plus que nos parents, compte tenu que c’était limite lui qui m’avait servi de parent pendant toute ma vie. J’avais toujours pu compter sur lui, mais limite, je sentais que ma proximité était un désavantage, sachant que cela pourrait me trahir et que prématurément, ou du moins, plus tôt que je ne l’aurais voulu, Evan saurait que quelque chose n’allait pas. C’était peut-être pour cette raison que je me permis de dire, par la suite, histoire de ne pas trop m’attarder sur le sujet : « Tu as des trucs à acheter alors ? », jugeant alors ma question parfaitement légitime, considérant que je n’avais jamais connu mon frère comme un mec qui aimait faire du lèche-vitrine, tout comme moi d’ailleurs en fait, sauf quand je voulais faire plaisir à Sadya et que je l’emmenais faire les boutiques.

À mon grand soulagement, Evan ne sembla rien avoir remarqué concernant mon hésitation, mon comportement du moment, ce qui voulait dire que je pourrais attendre encore un peu avant de lui dire quoi que ce soit sur ma condition. De plus, il fallait avouer que je n’avais pas vraiment envie d’en parler, pas comme ça, pas maintenant, et surtout pas dans cet endroit qui m’intriguait encore et toujours. Non pas que je n’avais jamais vu un centre commercial de ma vie, mais parce que je ne savais pas pourquoi Evan avait ressenti le besoin de s’y trouver en ma compagnie. Je ne me plaignais pas de passer du temps en compagnie de mon frère, certainement pas, mais il y a une tonne d’endroits où nous aurions pu nous retrouver plutôt qu’ici. Je compris la raison de ce choix une fois que j’eus posé la question et que j’eus droit à une réponse. Toutefois, cette réponse ne me rendit pas les choses vraiment claires à mes yeux, puisqu’Evan avait fait ce qui me semblait être exprès pour être vague. Plus encore, il savait comme moi que j’étais loin d’être un expert lorsque venait le temps de choisir un cadeau, et en ce moment, je supposais que c’était pour quelqu’un que je ne connaissais pas, puisque sinon, il ne se serait pas gêné pour me dire qui était le destinataire de ce soi-disant présent, ou du moins, je ne pensais pas. Je fronçai alors les sourcils, mais puisque je ne me voyais pas vraiment le rembarrer, sachant que ce serait très déplacé de ma part, je lui dis : « Euh, d’accord… » Je me permis ensuite de faire un petit sourire gêné, démontrant alors à quel point j’étais loin d’être dans ma zone de confort, mon champ d’expertise. Limite je m’en sentais ridicule, comme si j’étais incapable de faire quoi que ce soit pour aider mon frère. Je pris alors quelques secondes de réflexion, et je dis : « Pour qui ? Tu as une idée ou pas du tout ? » C’était ridicule comme questionnement, mais au moins, c’était un début, et c’était certainement plus intelligent de commencer à chercher tel une poule sans tête sans savoir quoi chercher exactement.