La tête dans le derrière, j’ai du mal à me réveiller, cependant, le bruit sourd insupportable m’oblige à devoir sortir de mon lit. Me rendant compte que j’ai oublié de fermer mes volets, je trouve enfin le courage d’émerger jusqu’à ma fenêtre de chambre. Voulant fermer ledit volet, je ne me rends pas compte du vent violent et par conséquent ne prend pas la peine de le retenir, ce qui me vaut de prendre la planche de bois en pleine figure. Lâchant un juron, je me dirige vers la salle de bain pour voir si je n’ai pas de petit bobo. Après inspection, je remarque une petite égratignure sur le bout du nez, néanmoins rien de bien choquant. Me rendant compte que je n’allais pas pouvoir me rendormir avec le vent hurlant, je décide de bouger, toujours en boxer et débardeur, dans le coin salon histoire de me mettre sur le canapé. Mangeant un bol de céréales, je regarde la télé tranquillement, tout en coiffant mes cheveux en un chignon haut, étant plus que ravie de ne pas avoir de rendez-vous aujourd’hui, pouvant ainsi rester dans cette tenue pendant toute la journée si je le désirais.

Recroquevillée dans mon canapé, je me voyais passer ma journée tranquillement ici et peut-être bosser un peu si j’avais le courage, mais j’estimais avoir assez travaillé auparavant pour m’accorder une petite journée de vacances. Cependant, je fis bloquée dans mes projets lorsque j’entendis qu’on frappait à ma porte. Me demandant qui c’était, je me levais, surprise, tout en ouvrant la porte. Je fus surprise de voir Chelsie, même si j’eu du mal à la reconnaître en voyant qu’elle semblait avoir pris la pluie. Je ne pus m’empêcher de m’écarter et de dire « Rentres, tu vas attraper froid ma belle ! ». Je compris à ce moment-là que ce qui m’avait semblé être un petit vent tout à l’heure était beaucoup plus en réalité, sachant que de la boulangerie à chez moi il n’y avait pas tant de chemin que ça. Je lui souris attendant qu’elle rentre au chaud histoire de se sécher et de se réchauffer comme elle pouvait.

Lorsqu’elle déposa ses chaussures, je soupirais, me retenant de lui dire que ce n’était pas nécessaire. En effet, le ménage n’était pas fait, et me connaissant, vu comment la matinée avait commencée, je n’allais pas le faire aujourd’hui. Cependant, le carrelage étant doté du chauffage au sol, ça allait la réchauffer et lui sécher les pieds en quelques minutes, par conséquent, elle n’allait pas prendre froid, ce qui était la seule chose qui se préoccupait. Certes le chauffage n’était pas beaucoup levé considérant le fait qu’il ne faisait pas froid ici, mais tout de même, j’aimais avoir une source de chaleur par le bas. Ma jeune sœur s’excusa, et je ne pus m’empêcher de répliquer « Mais ne t’inquiètes pas, tu sais que ma porte t’es grande ouverte, quoiqu’il arrive. », et de ponctuer le tout par un sourire qui se veut rassurant avant tout. Je commençais à aller vers la salle de bain lorsque Chelsie me dit qu’elle pouvait prendre un taxi, je secouais la tête avant de lui répondre « Ne t’inquiètes pas, j’avais rien prévu. », puis je sortis de ladite pièce avec des serviettes et lui tendis en disant « Tiens, pour te sécher un peu, parce que ça ne doit pas être agréable. ». Je toisais ensuite la jeune fille de bas en haut, pas pour la juger, loin de là, mais simplement parce que je voulais voir si nous avions la même corpulence et ainsi lui prêter des fringues histoire de laisser les siennes et qu’elle soit plus à l’aise. Pour lui proposer, je me contentais de demander « Tu préfères un jean ou un jogging ? Et me donneras tes vêtements mouillés que je les mette à sécher. ». Je savais que je ne lui laissais pas le choix et que je pouvais par conséquent lui faire se sentir obligée et peut-être même la mettre mal à l’aise, mais c’était plus fort que moi.

A ce moment-là, j’étais consciente que je pouvais très bien passer pour une hystérique à me demander que faire pour la jeune femme se sente à l’aise et au sec, mais après tout, c’était ma petite sœur. Je n’aurais pas fait ça pour n’importe qui n’étant pas la plus altruiste des femmes, bien loin de là ; certains ayant même tendance à dire que j’étais égoïste, mais une chose est sûre, avec la famille ou tout ce qui s’en rapprochait, j’avais tendance à être excessive, peut-être même l’étais-je en ce moment. Une fois que j’eu une réponse après un léger silence, je me dirigeais vers ma chambre tout en gueulant à Chelsie « Je te laisse poser tes affaires dans la salle de bains, y a un séchoir vide, normalement. », de peur qu’elle ne m’entende pas. Une fois revenue dans la pièce, je me rendis compte qu’elle n’avait pas encore bougé, pire encore, elle n’avait pas osé poser sa veste. Comprenant qu’elle soit mal à l’aise, je souris gentiment avant de lui poser mon jogging Panzari chocolat ainsi qu’un haut blanc. Je levais les yeux vers pour la débarrasser lorsque je vis son tatouage. Je souris avant de le pointer légèrement du doigt afin de ne pas passer pour une détraquée sexuelle qui voit un soutien-gorge pour la première fois de sa vie et rajouter « Très joli tatouage. J’arrive pas à lire ce qui est écrit, mais joli ! » avant de sourire gentiment et la laisser avancer plus loin dans l’appartement tout en récupérant sa veste pour la pendre dans l’entrée, ou du moins ce qui servait d’entrée à savoir le salon/cuisine.

Je me rendis compte que je n’étais pas vraiment la fille la plus accueillante ; à trop vouloir en faire je passais pour une hystérique provoquant plus de mouvement dans mon appartement à moi toute seule que toute une tribu de fourmis dans une fourmilière. La remarque quant à son tatouage me parue mal venue si on considère la tête qu’elle fit lorsque je lui fis remarquer que je le trouvais joli. Je ne cherchais donc pas à approfondir plus que ça la discussion et passais à autre chose, même si je dois avouer que ma curiosité me piquait et me faisais défaut à ce moment-là. Néanmoins, je ne voulais pas causer de malaise plus profond c’est pourquoi je me retins de dire quoi que ce soit, et souris presque bêtement à ce qu’elle me dit. A ce moment, j’avais l’impression de passer pour une abrutie. A trop vouloir bien faire, je m’étais ridiculisée. Cependant, je me ressaisi bien vite lorsqu’elle revint de la salle de bain après s’être changée. Je regardais si les vêtements lui allaient, avant de me rendre compte que malgré le fait qu’ils soient un peu grands, ça ne choquait pas plus que ça, ce qui était le principal. Lorsqu’elle me dit voilà, je souris gentiment, avant de demander « Tu veux boire ou manger quelque chose ? » avec un sourire qui se veut bienveillant, faisant en sorte de ne pas avoir l’air abrutie comme quelques minutes avant.

J’aurais aimé m’enlever cette histoire de tatouage de la tête, mais le fait de savoir que je n’aurais pas dû le voir me rendait plus curieuse que je ne l’aurais souhaité. Néanmoins, ce sujet paraissait tellement sensible aux vues de la réaction de Chelsie que je laissais cette curiosité malsaine de côté, faisant tout pour que cela ne se voit pas, ne voulant pas plomber l’ambiance plus que ça. J’étais contente qu’elle accepte de manger quelque chose, néanmoins je n’avais pas d’idée quant à ce que je pouvais lui servir, et elle ne m’aidait pas vraiment en disant qu’elle prendrait ce que j’avais. Pour toute raison, je regardais en direction e l’horloge de la cuisine me rendant compte qu’en effet c’était l’heure de manger, et que moi aussi je commençais à avoir faim, mais par-dessus tout, je ne voulais pas la rendre plus mal à l’aise en la regardant manger. Je souris à la jeune fille et dis « je peux faire des pâtes carbo ? Je veux dire j’ai pas mangé non plus, et je commence à avoir faim. ». J’attendais sa réponse, ne voulant pas commencer la préparation et que par conséquent elle se sente obligée de manger ça alors qu’elle n’aimait pas. Pour la boisson, je me souvenais qu’elle aimait le jus d’orange, cependant, je ne voulais pas lui imposer ça, c’est pourquoi je sortis deux verres et me dirigeais vers le frigo tout en demandant « tu veux boire quoi ? J’ai Canada Dry, jus d’orange de l’eau et des sirops. ».

J’étais contente d’avoir tapé dans le mille avec les pâtes carbonara, ne me sentant pas vraiment de lui proposer tout mon carnet de recettes qui n’était pas vraiment varié, à savoir quelques recettes de pâtes, riz, et de steak. Je n’ai jamais été une pro pour la cuisine, et ce n’était pas demain la veille que ça allait changer. C’est pourquoi je souris gentiment en entendant que les pâtes carbonara lui allaient. Je remplis donc une casserole d’eau et la mit chauffer sur la plaque à gaz afin de faire chauffer tout ceci. Je mis une touche de sel, et en bonne hôte qui se respecte, je lui proposais à boire pour accompagner tout ceci. Je souris en l’entendant proposer le Canada Dry, que je sortis du frigo avant d’en servir deux verres, ne pouvant pas résister à la boisson gazeuse. Je tendis le verre à la jeune fille et ajoutais « si tu n’aimes pas tu me le dis, j’ai d’autres choses. » puis j’amenais le verre à mes lèvres jusqu’à ce qu’un coup de tonnerre vienne troubler la soirée. Phobique des orages, je hurlais un coup avant de lâcher mon verre. Je l’entendis s’éclater par terre et le liquide gicler jusque mes chaussettes. Je sentis les larmes me monter aux yeux. En quelques secondes cependant, je me repris et dis doucement « merde, désolée… ». Je me dirigeais vers le placard à balais, sorti une serpillère et tentais d’isoler les bouts de verre, ne pouvant faire plus à cause du manque de lumière évidemment qui sévissait dans l’appartement. Je me dirigeais vers le placard dans la partie salon et sorti plusieurs bougies et les allumais une à une pour les poser autour de nous. Je souris à Chelsie et dis « je suis désolée, j’ai pas mieux que des bougies parfumées qui ne sont pas à la même senteur, donc ça risque de donner un mélange étrange… Heureusement que ma plaque est au gaz, sinon ç’aurait été compliqué pour les pâtes. ». Là encore, un éclair fit son apparition, et encore une fois je ne pus retenir un cri, qui se voulait cependant plus discret. Me sentant mal par rapport à ma sœur, je dis « je suis désolée, je dois passer pour une hystérique, mais j’ai toujours eu beaucoup de mal avec les orages… ».

Après l’incident du verre, je laissais la pelle pleine de bris sur un coin d’un comptoir afin qu’on ne la renverse pas, et surtout qu’on ne marche pas dessus. Je remerciais gentiment Chelsie pour son aide dans l’allumage des bougies et attrapais la première devant moi afin d’aller voir où on en était l’eau. Me rendant compte qu’elle était encore à peine frémissante, je remis le couvercle sur la casserole et me retournais vers Chelsie, tout en reposant la bougie. Je distinguais une once de sourire sur le visage de la jeune femme lorsque je m’excusais, ce qui me fit sourire à mon tour. Néanmoins, la suite de sa réponse me surpris. En effet, cette dernière mentionna sa fille. Brusquement, je relevais la tête manquant de me claquer un muscle, et dis « Ta… ta fille ? ». Aux vues de la réaction de la jeune femme, que je pouvais nettement distinguer malgré le manque de lumière, je compris que cet aveu n’était pas volontaire, et que par conséquent ma question pouvait être malvenue. Cependant, en disant ça, elle avait piqué ma curiosité au vif. Commençait alors une lutte entre le moi qui voulait savoir l’histoire de sa fille, qui serait techniquement ma nièce, mais aussi la volonté de ne pas vexer la jeune fille. De plus, je me rendis compte plus tard qu’elle venait de parler au passé, ce qui me fit comprendre qu’il devait s’être passé quelque chose avec elle, c’est pourquoi je n’hésitais plus avant de me rattraper et de dire, désolée « excuses-moi, je n’aurais pas dû demander ça. Je comprendrais que tu ne veuilles pas en parler. ». Je savais que même si nous passions à autre chose cette histoire allait me revenir en tête, mais par respect pour la brunette, je ne voulais pas insister au risque qu’elle se ferme complètement à moi et m’en veuille. Après tout, j’étais arrivée en retard dans sa vie, nous ne nous connaissions pas depuis longtemps, c’est pourquoi je ne m’attendais pas vraiment à ce qu’elle me parle comme un livre ouvert, et l’une comme l’autre avions nos réserves, ce que je concevais totalement. En effet, elle ne savait pas que j’avais été mariée et toute ma vie d’avant mon retour aux Bahamas. Je n’étais même pas sûre qu’elle sache que je n’avais jamais connu nos parents, et que j’avais été élevée par deux pères. Nous étions toutes les deux entrées dans la vie de l’autre sans réellement se soucier de ce qu’il s’était passé avant, ce qui était appréciable, mais pouvait s’avérer inconfortable dans des situations pareilles, surtout lorsque ma curiosité était malsaine à ce point.

J’étais mitigée quant à la façon dont je devais me comporter en ce moment. En effet, d’une part j’étais flattée que Chelsie me raconte ce bout d’histoire qui semblait douloureux qu’elle n’en était pas absolument pas obligée. Je ne l’aurais pas mal pris si elle m’avait dit de me mêler de mes oignons, comprenant que l’histoire ne se terminait pas comme dans un conte de fée à en juger par le ton avec lequel elle m’expliqua vite fait l’existence de sa fille. D’autre part, je me sentais coupable d’avoir remué un souvenir douloureux à ma petite sœur, et par-dessus tout de lui avoir fait raconter ça quand elle avait peut-être juste envie de passer à autre chose. Je ne sus quoi dire lorsqu’elle eut terminé de m’expliquer comment elle avait vécu et tout ça, je me sentis sincèrement désolée pour elle. Je n’avais jamais eu d’enfant, et par conséquent n’avait jamais eu à m’en séparer, donc je ne pouvais pas savoir ce qu’elle ressentait, mais je devinais que ça devait être loin d’être aisé tous les jours, et pour ça je respectais la brunette. Lorsque je l’avais vue pour la première fois, elle m’avait parue être une fille qui n’avait pas eu bien des problèmes et qui avait toujours eu une vie bien rangée, cependant, je me rendais bien compte que ce n’était pas le cas du tout. De plus, j’avais vu le fait qu’elle me recherche comme un besoin de piment dans sa vie. Je savais qu’en pensant ça je paraissais snob, qui jugeait trop vite, mais c’était dans ma nature, et je m’étais vite aperçue que j’étais contente qu’elle soit venue à moi, et par-dessus tout que je commençais à m’attacher à la jeune femme et la considérer comme ma petite sœur. Je fixais Chelsie, dans la mesure du possible sachant que la lumière ne s’était pas améliorée, et dis, presqu’inconsciemment « Et, elle est où aujourd’hui ? ». Lorsque je m’entendis prononcer cette question, j’avais envie de me taper la tête sur le comptoir, sachant que la réponse je m’en doutais un peu à en juger le ton avec lequel elle en parlait, et surtout le fait qu’elle en parlait au passé. Néanmoins, je ne montrais pas que je m’en voulais d’avoir posé cette question, ne voulant pas paraître pessimiste si je m’étais trompée. En effet, il se pouvait qu’elle ait été adoptée par une famille et que celle-ci ait coupé les ponts avec Chelsie. Certes, ce n’était pas très joyeux, mais toujours plus que l’hypothèse de la fille morte. Puis la jeune femme me parla de son tatouage évoqué il y a de ça quelques minutes. Je souris gentiment et dit « très joli prénom ». Comme pour nous sortir de ce moment assez lourd et triste, la minuterie nous rappela à l’ordre, me faisant sursauter au passage. J’égouttais les pâtes, et m’affaira à la préparation de la carbonara et en servi une assiette à ma petite sœur en ajoutant : « j’espère que tu as encore faim après tout ça, parce qu’on a toute une gamelle à manger ! », et en lui donnant des couverts, mais surtout contente de pouvoir offrir un échappatoire à la discussion que nous avions en ce moment-même.  

La réponse de Chelsie me surpris. En effet, je m’attendais sincèrement à ce qu’elle me dise qu’elle était décédée, cependant je compris que ce n’était pas le cas puisqu’elle était à l’endroit où elle était née. Je ne répondis rien à ma petite sœur, n’ayant pas vraiment grand-chose à répondre à ceci. Mais surtout, je ne voulais pas poser encore une question gênante qui aurait eu pour effet d’alourdir encore une fois l’ambiance qui s’être légèrement détendue lorsque complimentais le prénom. Une fois les pâtes arrivées, je vis ça comme un moyen de changer de sujet, et de passer à quelque chose de plus léger, puisque je n’étais pas vraiment fan des discussions tristes et qui plombaient le moral de tout le monde. A mes yeux, on était pas obligés de toujours tout faire pour se rendre plus tristes qu’on ne l’est déjà. Je ne sais pas si c’était parce que j’étais égoïste ou quoi, mais je ne racontais pas mes problèmes à tout le monde, c’est pourquoi j’estimais que les gens n’avaient pas à me raconter leurs petits tracas si je ne leur avais pas demandé. Certes, si une personne commençait à me dire qu’elle avait de gros soucis j’allais l’aider, cependant les gens qui se plaignaient constamment de broutilles du genre ‘mon chat mange pas sa pâté depuis trois jours’, j’avais juste envie de les envoyer bouler en leur disant que ce n’était pas vraiment qu’il ne bouffe pas pendant trois jours vu la taille de la bestiole. J’avais toujours été comme ça, et je ne comptais pas me changer, même si je me rendais compte que je faisais aigrie, les gens me prenaient ainsi, un point c’est tout. Lorsqu’elle dit qu’elle aurait pu amener une baguette de la boulangerie, je souris gentiment en disant « - C’est pas bien grave, j’ai pas pour habitude de manger mes pâtes avec du pain. ». Puis je me tournais vers la brunette, me rendant compte qu’elle touchait sans vraiment toucher son assiette. Ne voulant pas la gêner, je ne relevais pas. Si jamais je voyais qu’elle ne mangeait vraiment pas, je lui proposerai autre chose, ou j’aviserai, mais je ne voulais pas lui sauter dessus sachant que je venais à peine de servir les assiettes. Peut-être trouvait-elle les pâtes simplement trop chaudes, ou je ne sais quoi. Lorsque Chelsie me remercia, je souris gentiment en disant « - C’est normal ma belle, t’es chez toi ici ! Tu viens quand tu veux. ». Je me concentrais alors sur mes pâtes pour en prendre une bouchée, puis après avoir avalé, j’ajoutais « - Et je dois avouer que j’aurais été la première à apprécier qu’on m’offre un toit, je n’allais pas te fermer la porte au nez. Ça m’a permis de te connaître un peu mieux, en plus ! », tout en soufflant légèrement du nez, indiquant que je voulais ajouter une touche de légèreté à ce que je disais, n’étant pas fan des ambiances humides à cause des larmes de tout le monde, même si je pensais sincèrement ce que je venais de dire à celle qui était ma petite sœur depuis seulement quelques mois.

Concentrée sur mon assiette de pâtes, je ne pus retenir ma surprise lorsque je vis la jeune brune foncer sur moi. Me demandant ce qu’elle allait me faire, je m’attendais à esquiver un coup de poing en la voyant lever les bras, jusqu’à ce qu’elle me sert dans ses bras. Touchée au plus haut point, je lui rendis sincèrement son étreinte, et sentis mon sourire se dessiner sur tout mon visage. Je ne savais pas vraiment qu’elle était la raison de ce câlin, mais il semblait venir du cœur, c’est pourquoi je me voyais mal rejeter la jeune femme, risquant de rendre l’atmosphère très tendue. Mais surtout, je n’en avais pas envie. La vérité, c’est que j’étais contente de voir que tout se passait bien avec celle qui était ma sœur. Même si j’avais gaffé avec sa fille quelques instants auparavant, elle ne m’en tenait pas rigueur, et c’était appréciable. Profitant de cet instant, je la sentis soudain s’écarter de moi. Toujours le sourire aux lèvres, je le perdis lorsque je vis qu’elle semblait confuse, presque comme si elle n’avait pas l’habitude. Je souris alors, tentant de la rassurer comme je pouvais, et dis « - Tu n’as pas à t’excuser, on a tous besoin de moments de tendresse à un moment. », et comme pour ponctuer ma phrase, je haussais les épaules. La vérité, c’est que je sentais réellement flattée qu’elle se soit lâchée comme ça, puisque comme j’avais pu le comprendre, elle n’était pas le genre de fille qui faisait des câlins à tout le monde. La vérité, c’est que l’on se ressemblait quelque peu à ce point ; moi non plus je n’étais pas vraiment tactile, pour ne pas dire pas du tout, et je ne sais pas comment j’aurais réagi si j’avais câliné quelqu’un spontanément. Certes je prenais dans les bras mes amies que je n’avais pas revues depuis un certain temps, mais c’était rarement, pour ne pas dire jamais, des étreintes qui venaient autant du cœur. Je ne dis pas que je n’étais pas ravie de revoir mes amies, mais disons que nos rencontres étaient plus folles que celle que j’avais en ce moment avec ma sœur, considérant le fait que la plupart du temps nous ne buvions pas du Canada Dry, mais de la vodka, et surtout, nous n’étions pas en plein milieu d’une tempête dans le noir. Peut-être était-ce cette situation qui me rendait si sensible ; en effet, ayant peur de l’orage depuis toute petite, j’étais à fleur de peau dès que le ciel s’obscurcissait ne serait-ce que d’une petite nuance de gris, et on pouvait dire qu’aujourd’hui j’étais particulièrement gâtée. Décidément, la journée prenait une tournure inattendue, et pour être honnête, c’était loin d’être pour me déplaire puisque je pouvais réellement dire que j’avais une petite sœur, et qu’à partir d’aujourd’hui une ébauche de lien familial s’était dessinée, et j’étais bien décidée à faire en sorte de ne pas perdre cette ébauche, espérant déboucher sur quelque chose d’agréable, pour elle comme pour moi. Je ne voulais pas la forcer, mais par cette étreinte, elle m’avait montré qu’elle n’était pas totalement fermée à ce que l’on se considère réellement comme des sœurs. Toujours dans cette optique, je m’appuyais sur l’ilot centrale sur lequel nous étions et dis « - La vérité c’est que ça m’a fait plaisir de voir que tu ne réfléchis pas à tout ce que tu fais, et que tu te lâches. Tu verras, tout sera beaucoup plus simple en ne prévoyant pas ce que tu vas faire deux heures à l’avance ! ». Encore une fois, je tapais dans mon assiette qui commençait sérieusement à diminuer, tout en faisant gaffe de ne pas manger comme je mange d’habitude lorsque je suis seule, à savoir comme un cochon, ne voulant pas effrayer la jeune fille.

Les mots de Chelsie, même s’ils pouvaient paraître insignifiants pour d’autres, me touchaient réellement au plus profond de moi-même, et cette attention soudaine se ressentait sur mes joues, puisque je me sentais rosir jusqu’au bas des yeux. Je me sentais quelques peu stupides à rougir dès qu’elle ouvrait la bouche, mais je n’étais tellement pas préparée à ce que nous nous entendions comme ça, que chaque minute de cette journée m’étonnait un peu plus. A vrai dire, depuis que Chelsie avait franchi le seuil de ma porte trempée jusqu’aux os, j’étais surprise. Non, en réalité, c’était depuis qu’elle avait franchi le seuil de ma porte, tout court. En effet, depuis qu’elle avait fait irruption dans ma vie, cette dernière était moins monotone, je n’avais plus l’impression de vivre comme une grand-mère qui ne fait plus de rencontre, dont le mari est déjà décédé, et qui par conséquent se laisse mourir. Non, désormais, j’avais de la famille de sang, et de savoir me faisait tout drôle, et ce encore aujourd’hui. Pour ne pas laisser Chelsie face à un mur, je sourie gentiment à mon interlocutrice, avant de lui dire, toujours aussi doucement : « - Je suis contente ce que cela se passe ainsi entre nous. ». Avant de reporter mon regard sur mes pieds, ou plutôt mes chaussettes qui me servaient de pantoufles lorsque je trainais à l’appart des jours comme celui-ci avait commencé. J’aurais en pus en rester, néanmoins, sans que je sache réellement pourquoi, je ne pus m’empêcher de continuer, et lui dit alors, toujours sur le même ton : « - Si nous ne nous étions pas entendues, je ne sais pas comment on aurait fait, sachant que je n’aurais jamais pu te laisser partir, sachant que tu es ma petite sœur. ». L’expression me surpris moi-même, mais c’était ainsi, et surtout, elle était sortie spontanément. Visiblement, la brunette n’était pas la seule à lâcher ce qu’elle avait sur le cœur, et j’espérais que cette mini-confidence est l’effet escompté, à savoir détendre tout le monde, puisque visiblement Chelsie n’était pas de nature câline à en juger par le malaise qui planait depuis notre étreinte.