Une bière à la main, il était assis sur le porche de la maison. La musique résonnait, faisant presque trembler les murs. Il regardait en face de lui, les yeux dans le vide. Les effets de la drogue et de l’alcool s’additionnaient, lui donnant l’impression de ne plus toucher terre. Il tira sur sa cigarette, et reparti dans ses rêveries. « - Tu fumes trop. – Et toi tu parles trop. ». Bien qu’il soit totalement ailleurs, la voix de la jeune femme avait toujours le don de le ramener sur terre. Son rire lui donnait envie de retourner parmi les autres ados tous aussi bourrés que lui, sinon plus. Il se tourna vers la brunette lui offrant un de ses plus beaux sourires. Elle tourna sa tête d’un coup de main sur la joue, s’appuya sur son épaule pour retourner à la fête, et tel un zombie il attrapa sa main pour la suivre, lui offrant un bain de foule ayant pour effet de le submerger. Novalee le lâcha là, allant voir ses autres amies. Quant à lui, il se retrouva là comme un con. Depuis qu’il avait rompu avec Maylie, il n’était que l’ombre de lui-même, ce qui ne lui ressemblait pas du tout, lui qui était toujours le premier dans les soirées à se faire remarquer et ne pas avoir une minute à lui. Certes elle n’était qu’une fille de passage, il savait que ça n’allait pas durer, mais il appréciait sa compagnie. Lui qui avait l’habitude de prendre les filles pour des connes, il s’était retrouvé sacrément surpris lorsqu’elle avait dit qu’elle allait repartir à New York. Ce n’était pas vraiment un chagrin d’amour, après tout, il ne l’aimait pas vraiment, disons vraiment que ce n’était pas dans ses habitudes de se faire larguer, et c’est ce qui le contrariait autant. Emmenant la bouteille de bière à ses lèvres, il sentit encore une fois un contact familier. Elle n’allait définitivement pas le lâcher. Il regarda son amie de toujours, et dit, faussement lassé « - Ne t’occupes pas de moi, Nova, je vais bien. J’ai déjà repéré ma cible : ton amie la pe… -  N’y pense même pas. On a une règle, je te rappelle, pas les amis. Je touche pas à tes amis, tu touches pas aux miennes. ». Elle haussa les épaules, tandis que lui roule des yeux. Elle ne peut pas l’avoir mouché comme ça, son égo est trop gros, c’est pourquoi il ne peut s’empêcher de surenchérir « - Tu touches même pas aux autres mecs, je suis assez tranquille au niveau de mes potes. ». Elle soupire, il ne peut s’empêcher de rire, victorieux. Le sexe avec n’importe qui est le point sur lequel ils s’entendent le moins. Lui est volage, pour ne pas dire totalement libre tandis qu’elle aime les relations sérieuses. Et de toute façon, connaissant Sven, si elle était comme lui, il pèterait la gueule à tous les gars qu’elle fréquente sachant que personne d’autre que lui ne peut toucher à sa Nova. Cette jalousie qui est un l’un des sujets principaux de leur discorde. Il sait qu’il abuse à ce niveau-là, mais c’est plus fort que lui. Lassé d’être un porte manteau, il se penche vers la brunette, et lui souffle « - Je vais rentrer, j’en ai marre. Et de toute façon faut que je bosse demain, j’ai un dessin à terminer. Et aussi faut que je tienne le magasin l’aprèm, donc j’aurais pas le temps de traîner. Amuses-toi bien. ». Il l’embrasse sur la joue, près de la bouche afin qu’aucun gars n’ose l’approcher alors qu’il est parti et prend ses affaires pour rentrer dans la maison de ses parents. Après quelques minutes de marche, il arrive enfin devant la porte d’entrée. Doucement, il ouvre et rejoint sa chambre à pas de loup. Une fois dedans, il allume toutes les lumières, se déshabille et va prendre une douche. En sortant, il ne prend pas la peine de s’habiller ou quoi, et reste en boxer. Il prend son papier à dessin, ses pastels et attend de la feuille, presque comme s’il s’attendait à ce que le papier se colore par la seule force de sa volonté. Il prend sa tête dans ses mains, respire bruyamment. Comme s’il pensait que ç’allait l’aider à mieux réfléchir, il roule une cigarette avant de l’allumer, le tout en fixant toujours le sujet griffonné à l’arrachée sur son carnet : « décrire ce qui vous est le plus cher. ». Il pourrait dessiner sa famille, mais ce serait mentir, il l’aime ses parents, mais pas au point de dire qu’ils sont ce qu’il a de plus cher. Il est comme ça, il n’a jamais été dans l’esprit famille avant tout. Il pourrait dessiner son chien, mais à vrai dire, il ne l’aime pas non plus tant que ça. A part pisser et bouffer, il ne fait pas grand-chose, ce clébard. Enervé, il balance la palette de couleurs à travers la pièce. Pourquoi il n’était pas capable de trouver quelque chose qu’il aimait par-dessus tout. Ce sujet était basique, un gamin de maternel pourrait y répondre. Mais ces connards de profs voulaient quelque chose ‘de profond’ comme ils disaient. D’habitude, il en sortait avec son style de dessin décalé, cartoon et coloré, mais là, ils avaient été clairs, ils voulaient du réel, du sentiment. Il roula encore une cigarette, et ne put s’empêcher de penser aux mots de Nova, « - Tu fumes trop. ». Ne pouvant retenir un sourire, il tourna les yeux vers le cadre posé sur le bord du bureau, celui où se trouvait la photo de Nova et lui datant d’y a un an, peut-être deux tout au plus. Il n’était pas le genre sentimental, bien de là. La vérité derrière cette photo, c’est que c’était elle qui avait insisté pour la placer là, considérant qu’il « manquait son sourire pour égayer la pièce. ». Il avait râlé lorsqu’elle avait dit ça, jurant qu’il la virerait dès qu’elle aurait le dos tourné, mais ça faisait neuf-huit mois que c’était arrivé, et la photo trônait toujours aussi victorieusement ici. Il sursauta en sentant la cendre lui brûler une phalange, et presque naturellement, se mit à recopier la photo, le tout en embellissant sachant qu’ils étaient complètement bourrés ce soir-là. Après des heures de travail, il se lova dans son lit pour s’endormir et ne se réveiller que lorsque sa mère entra en catastrophe dans sa chambre pour lui dire d’aller bosser au magasin, que s’il ne se bougeait pas les fesses, elle lui en retirerait la gérance, et toutes ces conneries qu’elle sort lorsqu’elle est énervée. Après avoir bu son café et fumé sa clope, il se rendit au magasin. Au bout d’une heure sans personne, une jeune brune vint le voir, mais visiblement pour autre chose que ses maillots de bain. Après quinze minutes dans la cabine d’essayage, ils ressortirent, elle avec un maillot de bain, lui avec le sourire de conclure une vente, et ce de la façon qu’il préfère. Telle était sa vie, qu’il ne changerait pour rien au monde.