Étant en congé pour la journée, j’avais décidé de garder les enfants avec moi, compte tenu que je n’avais pas prévu de bouger de la villa. Après avoir passé la matinée à jouer avec eux, je les avais emmenés dans la piscine afin qu’ils soient bien fatigués au moment de la sieste. Comme de fait, sitôt qu’ils furent dans leur lit, ils s’endormirent au bout de quelques minutes, me laissant alors les mains libres pour faire autre chose pendant au moins une heure et demie, si ce n’était pas deux heures. Je choisis alors de retourner au rez-de-chaussée histoire de faire un peu de rangement. J’aurais très bien pu m’attaquer à un grand ménage, mais avec les nausées que j’expérimentais depuis récemment, je ne voulais pas me surmener et être aux prises avec trois enfants excités de reprendre leurs jeux sans être capable de m’en occuper. M’affairant alors à ranger un peu les jouets des enfants qui trainaient par terre, je n’eus pas le temps d’en faire davantage, puisque soudainement, j’entendis frapper à la porte. Mon premier réflexe fut alors de froncer les sourcils, compte tenu que même s’il était connu de certains que je ne travaillais pas aujourd’hui, je n’attendais personne. Toutefois, je n’étais pas du genre à être complètement à cheval sur mes plans lorsque ceux-ci étaient modifiés, et je n’allais certainement jamais refuser d’avoir des invités dans ma demeure. De ce fait, je lâchai ce que je faisais, et je m’approchai de la porte pour l’ouvrir. Si j’avais déjà été étonnée d’entendre sonner à la porte, je le fus encore plus lorsque je vis qui s’y trouvait, à savoir Melba, la petite-amie de mon frère. Non pas que je ne voulais pas la voir ici, mais parce qu’en fait, je ne pensais pas qu’elle viendrait à ma demeure, puisque nous n’étions pas nécessairement de grandes amies, bien malheureusement. Toutefois, nous n’en étions pas à nous arracher les cheveux de la tête, ce qui expliqua pourquoi je ne lui fermai pas la porte au nez – ce n’était pas mon genre de toute façon – mais j’eus quand même une hésitation tandis que je lui dis : « Euh… Bonjour Melba. » sans savoir quoi dire d’autre. Quelques secondes après, j’eus l’impression que mon hésitation fut mal considérée par la jeune femme, puisqu’elle semblait prête à faire demi-tour sans même avoir dit pourquoi elle venait. Heureusement, je tentai de rattraper le coup bien rapidement en diant : « Non, tu ne gêne pas du tout, t’inquiète. » Je lui souris timidement, espérant simplement qu’elle ne voudrait pas rester sur son idée de quitter après ça alors que je ne savais même pas pourquoi elle était venue. Et puis, je n’allais pas le cacher, il était plutôt intriguant qu’elle vienne ici, donc je me doutais bien qu’il se passait quelque chose, que ce n’était pas une visite de courtoisie pour prendre le thé. Je lui proposai alors en me décalant un peu de la porte : « Tu veux entrer ? » en attendant une réponse, espérant qu’elle accepterait et que je saurais finalement ce qui l’amenait ici, me doutant bien que cela aurait quelque chose avec mon frère, puisqu’en ce moment, c’était la seule personne que nous avions en commun et qui pourrait faire en sorte que nous avions un semblant de discussion actuellement.

Tout ce que je fis lorsque Melba me dit bonjour après l’avoir assurée que je ne la gênais pas, ce fut de lui servir un petit sourire à la fois poli et timide, sachant que je l’avais déjà saluée précédemment. Enfin, je ne l’avais pas vraiment saluée comme je saluais mes amis ou les gens de ma famille lorsqu’ils se pointaient à ma porte, et je ne m’en sentais pas particulièrement fière, mais pour tout dire, je ne me voyais pas faire autrement actuellement, pas avec Melba, en tout cas. Ce n’était pas parce que je voulais être volontairement méchante. Ce n’était pas du tout mon genre d’être méchante, cela ne l’avait jamais été, mais lorsque je n’étais pas totalement en confiance, ou plutôt, quand je n’avais pas une tonnes d’affinités avec quelqu’un, ce serait totalement étrange, voire même cinglé de ma part, d’agir comme si cette personne était soudainement devenue ma meilleure amie. De ce fait, je jugeais que ce sourire, combiné avec mon invitation à la faire entrer dans la demeure afin de discuter, était bien suffisant, ou du moins, pour le moment. Une fois que Melba eut accepté, je me décalai de la porte histoire de lui laisser l’espace nécessaire pour pénétrer dans la demeure, sitôt que ce fut fait, je refermai la porte, et je dis, vite fait : « Désolée pour le désordre… » considérant qu’en temps normal, je m’assurais que la maison soit un peu plus rangée que cela, même si ce n’était pas nécessairement toujours une partie de plaisir avec les enfants, et que dans le cas présent, je n’avais pas vraiment eu le temps de tout faire avant de voir Melba arriver. Cependant, elle ne sembla pas en tenir compte trop longtemps, puisque quelques instants après, elle me demanda quelque chose à propos de mon frère, et je compris que c’était là la raison pour laquelle elle était venue à ma porte. Le sujet de discussion ne m’étonna pas vraiment à vrai dire, puisque je savais limite depuis que je l’avais vue dans l’embrasure de la porte qu’elle voulait certainement me parler de mon frère, mais je ne m’attendais certainement pas qu’elle procède directement, me demandant sans introduire le sujet si j’avais remarqué que Shane avait changé ces derniers temps. J’eus alors un petit moment d’hésitation qui se traduisit par le fait que je ne répondis pas tout de suite, et que plutôt que de dire quoi que ce soit, pendant une minute, je choisis plutôt de m’asseoir sur le canapé, invitant Melba à faire de même d’un signe de la main. Cela ne voulait toutefois pas dire que je cherchais à éluder la question, mais c’était surtout parce que je cherchais quoi dire à la jeune femme. Puis, me rendant compte au bout de quelques secondes que même si je cherchais, je n’arriverais pas nécessairement à lui faire une réponse bourrée de confiance, totalement assurée, je finis par lui dire : « Pour être franche avec toi, je suis mal placée pour le dire, puisque ça fait un bon moment que j’ai pas eu de nouvelles de lui… » Je marquai alors une petite pause, puis je finis par hausser les épaules, ajoutant par la suite : « Je me suis dit qu’il devait être occupé avec son film et tout, mais c’est pas son genre de ne pas donner signe de vie comme ça, quand même. » Finalement, une fois que j’eus terminé mon propos, je sentis que c’était plutôt légitime de ma part de demander à Melba : « Pourquoi cette question ? Il t’a paru changé ? Tu lui as parlé dernièrement ? »

Je me rendis compte seulement après avoir tenu mes propos que je pouvais sembler un peu trop détachée de la situation qui semblait on ne peut plus embêter Melba en ce moment. Pourtant, ce n’était pas le cas; j’étais proche de mon frère, comme j’avais toujours été proche de ma famille, mais ce n’était pas comme si j’habitais sous son toit, ou bien que j’avais besoin désespérément d’avoir des nouvelles de lui à toute heure du jour et de la nuit. Cela me faisait certainement plaisir lorsqu’un de mes frères ou ma sœur me lâchaient un coup de fil ou passaient à la maison, mais sinon, je savais me montrer compréhensive, et sachant que mon frère était parti puisqu’il avait eu une opportunité qu’il avait dite en or pour sa carrière de comédien, je n’avais pas posé de questions, et je supposais toujours qu’il était occupé, que le tournage et tout ce qui venait avec lui prenait beaucoup de temps, comme je l’avais dit à Melba. En revanche, pour la petite-amie de Shane, ce n’était pas suffisant, et elle croyait qu’il y aurait quelque chose de plus. Même si j’avais ma propre idée de la question, je demeurai ouverte aux explications de Melba, qui me dit qu’elle trouvait que Shane n’était pas seulement occupé ou distant, mais étrange. Je fronçai alors les sourcils, demandant sans dire quoi que ce soit d’avoir un peu plus de détails. Heureusement, je n’eus pas à en faire davantage pour avoir droit à ces fameux détails, Melba m’expliqua qu’elle avait l’impression qu’il lui cachait quelque chose. À ce moment, je commençai à tenter de me remémorer mes plus récentes discussions avec mon frère, ne trouvant pas tout de suite de quoi elle pourrait parler. Puis, j’eus un petit pincement au cœur lorsqu’elle commença à supposer que Shane pourrait la tromper. Aussitôt, je dis : « Ce n’est pas son genre… », mais mon ton de voix n’avait pas vraiment beaucoup d’assurance. En fait, c’était surtout que par expérience personnelle, alors que je pensais que mon mari ne pourrait jamais faire une telle chose, James m’avait trompé il y a deux ans. C’était maintenant chose passée, très lointaine même, mais malgré tout, c’était la preuve que la vie pouvait nous réserver des surprises parfois peu agréables, et un autre exemple plus récent était le fait que Shane semblait délaisser sa petite amie. En revanche, je ne voulais certainement pas me montrer pessimiste envers Melba, et de ce fait, je me repris un peu, tentant de me donner un ton un peu plus assuré quand j’ajoutai : « Non… Shane ne te ferait pas ça. Ça ne lui ressemblerait pas du tout… » Je baissai alors la tête une seconde, réfléchissant pendant un instant, et dans un haussement d’épaules, j’ajoutai, bien hypothétiquement : « Il ne m’a pas vraiment expliqué ce qu’était son film en fait… Peut-être ça a quelque chose à voir avec ça ? » Je pinçai ensuite les lèvres, préférant taire mes idées à ce moment, puisque celle-ci me semblait plausible, mais quand même un peu absurde. Enfin, restait à voir ce que Melba en pensait, après.

Je n’allais pas le cacher; lorsque j’eus demandé à Melba si les distances que Shane prenait ces derniers temps pouvaient être dues au type de film qu’il était en train de tourner, j’espérais qu’elle soit capable de me dire si elle connaissait quelques détails par rapport à ce fameux film qui m’échappaient, considérant le fait que je n’avais jamais vraiment eu l’occasion de lui demander c’était quoi précisément, et que je me voyais encore moins le harceler pour avoir une copie du script de ce fameux film, ce que je n’aurais fort probablement pas le droit d’avoir, de toute façon et ce, qu’importe le lien que j’entretenais avec un des acteurs. Cependant, Melba n’en avait aucune idée, puisque ce fut elle qui me posa la question, me laissant légèrement décontenancée pendant un moment. Je me résignai donc à lui répondre, tout bêtement : « Non, il ne me l’a pas dit. », mais je savais pertinemment que ça ne menait pas à grand-chose, et que je me voyais bien mal laisser un silence s’installer, compte tenu du fait que par mes mots, mon hypothèse tombait quelque peu à l’eau, faute de preuves dans l’immédiat. Je décidai alors de hausser les épaules, et supposer, sans aucune raison particulière, sans même aucune réflexion que je pouvais considérer comme sérieuse : « Si ça se trouve, c’est un film d’horreur où il n’a pas un si gros rôle, ou bien il a été obligé de prendre vingt kilos pour son rôle et ne veut pas l’avouer. » Je m’efforçai alors d’esquisser un petit sourire, comme si je souhaitais me montrer rassurante, mais je savais bien que l’ambiance n’était pas du tout à la plaisanterie. Je tentai alors de me ressaisir un peu, et dire un fait qui n’avait peut-être pas totalement rapport, mais qui était tout de même véridique : « Shane est orgueilleux, tu le sais probablement comme moi. Si jamais il doit se mettre la honte avec ce film, il ne l’avouera pas. »

Je fus étonnée d’avoir fait sourire Melba avec mon propos, même si effectivement, il se voulait un tantinet humoristique, mais je ne m’en plaignis pas. Même si ce n’était pas grand-chose, ce sourire me rassurait quelque peu, compte tenu du fait que les choses avaient toujours été légèrement tendues entre nous. En fait, je percevais ce sourire limite tel un signe comme quoi je pouvais me détendre un peu par rapport à mes liens avec elle, même si cela ne changeait rien au fait que la conversation se voulait légèrement délicate et que l’atmosphère n’était pas nécessairement à rire, bien au contraire. En effet, il ne fallut pas beaucoup de temps pour que mes efforts pour calmer la jeune femme soient réduits à néant, compte tenu du fait que quelques secondes après, la jeune femme tint des propos qui auraient pu faire réagir le pire des insensibles. En tout cas, moi cela me fit réagir, puisque j’eus pour réflexe de me mordiller la lèvre inférieure, ne sachant pas vraiment que faire d’autre. Mon instinct maternel aurait bien voulu faire en sorte que je prenne la jeune femme dans mes bras, que je lui offre quelque chose histoire de la rassurer, de lui changer les idées, sauf que je ne me voyais pas le faire, pas avec elle. En revanche, est-ce que cela devait faire de moi une insensible indifférente à la situation ? Non, je ne le pensais pas. Timidement, je choisis alors de poser une main sur son épaule, gardant le silence pendant quelques secondes, en signe de compassion, si je pouvais le dire ainsi. Puis, au bout du compte, je ne sus que dire, maladroitement : « Je suis désolée que ça se passe ainsi entre vous, vraiment… » Je fis alors un sourire tout timide, sachant parfaitement que mes propos étaient fort probablement nuls, avec peu d’intérêt pour la jeune femme, mais bon, je le pensais vraiment. Après tout, je m’étais quand même limite faite à l’idée qu’elle soit ma belle-sœur, mais après, les choses pouvaient changer rapidement, comme nous en avions la preuve actuellement.