Je suis née le 1er août 1994 à Galway, en Irlande, un petit coin de paradis à proximité du Connemara. Enfin, habituellement c’est ce que l’on dit de ma ville de naissance. Cependant, ce ne fut pas une faste année pour ma famille et donc ce n’est pas dans ce super monde que j’ai pointé le bout de mon nez quelques semaines avant la date programmée. Je suis née dans d’horribles circonstances. En effet, une jeune fille qui semblait être ma sœur, une certaine Eileen, d’après ce que l’on m’a raconté des années plus tard, est morte noyée quelques jours seulement avant ma naissance. Il semble que cet événement dramatique avait terriblement stressée celle qui me portait en elle-même. Je suis née dans une de ces fameuses familles nombreuses dont l’Irlande a le secret. Petite dernière d’une succession de fille, j’appris à vivre ainsi même si une présence masculine me manquait. Ma mère, Shiobhan O’Brien est une institutrice subtile et altruiste même si elle semblait toujours un peu rêveuse. Mon père, Liam O’Brien est un homme bon. C’est surtout un très bon policier. Certes il est dur et aime que les choses soient bien faites mais il a toujours été droit et nous a toujours montré qu’il nous aimer toutes les trois. Enfin, je dis trois même si j’ai appris plus tard que nous étions en fait cinq enfants. En effet, j’ai eu connaissance bien plus tard que j’avais un grand frère, Franklin Connor O’Brien. C’est Caitlin, ma sœur ainée qui m’avait appris son existence lorsque j’avais cinq ans. Elle avait beau être une personne très calme et studieuse, j’avais bien vite compris qu’elle s’était réfugiée dans ses études pour oublier le passé. C’était l’exact opposée de Fiona. Bref voila pour le résumé de ma famille.

A peine fus je née que nous déménagions dans la capitale irlandaise. Dublin fut donc la ville où je grandis. Malheureusement, Caitlin n’était pas très présente, trop absorbée dans ses cours et Fiona dans ses délires pour lesquels j’étais trop jeune pour pouvoir participer, quand a Franklin, il était loin d’être fort présent. Plus absent que lui, on ne pouvait pas à part de par l’absence version Eileen, ma grande sœur décédée peut avant ma naissance. Pour autant, au plus je grandissais, au plus j’avais envie de connaitre ce frère qui était tellement absent et ceux même si avant mes huit ans, je ne voulais pas le connaitre. Je ne l’avouerais jamais même sous la torture mais je le trouvais faible et lâche, mais en grandissant, j’avais commencé à comprendre que la mort d’Eileen avait fait des ravages dans toute la famille et chacun combattait son absence à sa façon. C’est ainsi du coup que je commençais à apprécier tout ce que j’avais. J’appréciais de ce fait un frère que je ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam… Enfin, si je le connaissais du peu que l’on avait pu m’en dire et des quelques photos de familles qui trainaient par ci par là dans la maison. Bref, j’avais envie de l’aider, de me rendre utile en le soutenant pour qu’il s’en sorte, même si je ne lui avais jamais parlé. Tout cela du haut de mes huit ans trois quart.
Je me souviens encore du jour où papa est entré à la maison, un soir tard. Je n’arrivais pas à dormir et j’attendais son retour en faisant le gué sur le palier, les jambes passant au travers de la rampe. J’avais quoi, neuf ans à cette époque là. Je l’entends encore dire à maman : « Sio’… J’ai fais une descente dans un squat aujourd’hui… J’ai arrêté Franklin… Notre fils… » Je faisais souvent le gué comme cela mais jamais je n’avais pensé entendre une telle nouvelle. Alors comme ça, Franklin était en ville. Durant plusieurs jours, je ne pouvais plus dormir, j’étais comme qui dirait obnubilée par ça. Pourquoi ne venait-il pas me voir, enfin, nous rendre visite. Pourquoi pourquoi pourquoi… Je finis par en parler à Fiona et lui faire une tête de chat potée afin qu’elle enquête en quelques sortes pour retrouver notre grand frère. C’est ainsi que ma sœur ainée fit des recherches dans tous les squats qu’elle connaissait. Elle le retrouva après plus d’un an de recherche. J’allais avoir 11 ans quelques semaines plus tard lorsque Fiona m’envoya un message pour me signifier qu’elle l’avait retrouvé et qu’elle avait appelé une ambulance. J’avais fait les yeux doux à Caitleen pour qu’elle m’accompagne à l’hôpital. Ce sont les secours qui s’étaient occupés de prévenir les parents. Ils avaient été surpris de nous voir présentes toutes les trois avant qu’ils n’arrivent. Pourtant, ils ne posèrent aucune question. Après de nombreuses heures à avoir attendu qu’il se réveille depuis le couloir, il finit par se réveiller. Je sautais au coup de Franklin en pleurant. Il ne me connaissait pas plus que je ne le connaissais, mais je l’aimais déjà tant. J’aime bien penser que mon intervention l’a sauvé et que c’est grâce à moi qu’il était parti en désintox’ suite à notre visite à l’hôpital. Pendant une petite année, je suis redevenue une écolière normale. Mais fichtre ce que c’était ennuyeux de ne pas se mêler de la vie des grands.
A la sortie de cure de Franklin, celui-ci est venu vivre un peu en famille à la maison. Nous sommes devenu proche, je n’ai jamais été aussi proche de quelqu’un de ma famille. Ils étaient tous dans le passé et moi malheureusement j’étais le présent et le futur. Pour la première fois, je pus me confier d’égal à égal, pour la première fois je fus complice avec quelqu’un dans ma vie.
Mais un mois après mon anniversaire de mes douze ans, Franklin parti. Il allait faire sa vie comme il m’avait expliqué. Il était parti en France, dans le Nord, à Lille. Etrange idée. Pourquoi partir dans un pays où on ne parlait pas anglais ? Pas pour la météo car c’était du pareil au même entre Dublin et Lille. Je n’y comprenais rien mais n’avais pas non plus l’âge de comprendre tout.
Mais aussi étrange que surprenant, moins d’un an plus tard, mon frère ainé était de retour au bercaille. Il était malheureux et je craignais une rechute, j’avais peur de perdre à nouveau mon frère alors de ce fait, j’ai pris sur moi de contacter Sophie, la fameuse fille qu’il aimait. Je l’invitais en secret à venir se joindre à nous, pour fêter mes treize ans. Tout était programmé au millimètre près. La jeune femme n’est jamais repartie en France et est venue vivre avec Franklin dans la maison familiale. Personnellement, je l’adorais, j’étais totalement fan d’elle.


Un an plus tard, notre papa a été emmené à l’hôpital, il ne voulait pas y rester. Il a finalement quitté ce monde à cause d’une saloperie de cancer alors que je n’avais que quinze ans. J’ai été dévastée par cet incident. J’avais cessé de m’alimenter. Entre temps, Sophie et mon grand frère préféré se marièrent et une poupée sortie du ventre de la jolie brune. C’est le bébé qui me rendit le sourire. Je comprenais enfin ce qui avait poussé ma famille à se disloquer petit à petit au fil des eaux suite à la disparition de ma défunte sœur.
Franklin parti plus tard pour Montréal emmenant avec lui sa femme et sa fille. Il nous envoyait régulièrement des nouvelles. Ils avaient finalement quitté le Canada pour partir vivre aux Bahamas. Les appels continuaient à aller bon train… Jusqu’au jour où nous reçûmes une sombre nouvelle. Sophie était malade et Franklin nous envoyé sa fille pour les derniers jours, les dernières semaines. Afin qu’elle ne garde pas une image de sa maman malade. Nous nous entendons superbement bien avec Kiara même si je sais pour sa maman. Sophie finit par mourir laissant derrière elle son empreinte dans tous nos cœurs. Ma nièce retourne vivre chez son père. Je sens bien dans nos conversations de frère à sœur que quelque chose à changer. Il me dit survivre mais je sens bien que la ligne est facilement franchissable. Je tente néanmoins de garder le contact, de rester aussi proche que nous l’avions été jusqu’alors.
Depuis le décès de Sophie, j’ai perdu contact avec Caitleen. Elle avait un monde tellement éloigné de ma réalité que nous ne nous étions jamais senties proche l’une de l’autre. Fiona a fini par vivre sa propre vie loin de la maison qu’elle avait même appelée la maison du malheur. Maman préféré m’éviter lorsque nous ne nous retrouvâmes plus qu’à deux à la maison. Elle m’avait même autorisé à passer mon permis deux roues tandis qu’elle avait une peur bleue de ces engins. Alors un jour, j’ai fais ma valise, laissé un mot sur mon lit en expliquant que moi aussi je voulais vivre ma vie et que peut être un jour je reprendrais contacte avec elle. Puis, j’ai pris toutes mes économies pour me payer un billet d’avion et partir vivre loin, très loin. Je fis la route jusqu’à l’aéroport de Dublin en bus. Sur place, je demandais le prochain vol pour les Etats Unis. Je ne sais pas pourquoi je voulais partir là bas.
Une fois sur place, je me prostituais pour pouvoir payer quelques mois d’études. Cela ne me plaisait pas tant que ça et je pris la poudre d’escampette en laissant mon mac, qui était mon mec aussi, sur place, sans nouvelles. J’avais peur de ses représailles, mais je ne voulais pas de cette vie là. Je me retrouvais à nouveau à l’aéroport et pris le billet pour le prochain vol. Quelques heures plus tard, je me retrouvais à Nassau, aux Bahamas. Sans même m’en rendre compte, je me trouvais au même endroit que mon frère. Je connaissais son adresse par cœur à force de lui avoir écrit ces derniers mois. Je ne lui avais pourtant rien raconté sur ce que je vivais lorsque je m’étais exilée. J’arrivais sur l’île en tenue de prostituée, sans valise, cela aurait éveillé les soupçons de ma colocataire trop rapidement. En route, je m’efforçais de demander mon chemin jusqu’à la villa de mon grand frère. J’avais les yeux en feu. Je ne savais pas si c’était dû à la fatigue, à la rage ou des larmes qui n’arrivaient pas à couler, mais ça ne faisait pas du bien. Je n’avais de cesse de regarder par-dessus mon épaule. Je toquais finalement à la porte d’entrée de la villa où j’avais envoyé tant de courrier mais il n’y avait personne. Je m’installais alors sur les marches de son perron pour l’attendre… Puis me sentant épiée, je finis par aller me cacher dans les fourrés.