Après un petit arrêt à la salle de bains avant d’aller à la piscine, bien avant que mon service ne commence, je me surpris à me considérer dans le miroir des vestiaires des employés, l’air légèrement embêté, soulagée qu’il n’y ait personne en ce moment pour me demander quel était mon souci et pourquoi je restais plantée là, dans le milieu du chemin, à me considérer d’abord de face, puis de profil, comme si je tentais de voir comment mon uniforme – mon maillot de bain rouge – m’allait, alors que je l’avais porté une tonne de fois avant aujourd’hui. Pire que cela, je l’avais déjà porté alors que j’étais enceinte, encore et toujours plus d’une fois, et de ce fait, ce n’était pas une surprise que je paraisse plus enrobée, et je n’étais pas nécessairement complexée par cela, sauf peut-être aujourd’hui. À vrai dire, pour la première fois depuis bien longtemps, je me demandais si mon état actuel n’allait pas m’empêcher de faire mes activités quotidiennes, ou plutôt, une activité que j’aimais faire de temps à autre lorsque j’en avais la possibilité, à savoir nager dans le but de faire une course, de mettre un petit défi à tout cela et surtout, prendre plaisir à le faire. Il était prévu que je m’adonne à cela aujourd’hui, avant que mon service commence, alors qu’il était déjà autorisé aux gens qui visitaient l’hôtel d’y accéder, parce que sinon, ce n’était pas vraiment amusant si je le faisais seule. J’avais prévu de le faire avec un de mes amis de longue date, à savoir Matt, qui, justement, devait venir me retrouver avant que la piscine ne soit trop occupée et que je doive surveiller tous ces clients qui approchaient. Mais serais-je en mesure de le faire ? De courser comme j’en avais l’habitude ? Ne pensant plus que j’avais commencé à prendre autant de poids, voire même plus que je ne l’avais imaginé à ce stade, je ne m’étais pas posé de questions, mais maintenant que je constatais quelle silhouette j’avais à présent, je commençais à être un peu plus hésitante.

En revanche, il n’y avait pas moyen que j’annule pour le coup, sachant qu’il était beaucoup trop tard pour cela. Je décidai alors de m’essayer quand même, et au pire, je perdrais, tout simplement. Cette idée ne me plaisait pas vraiment, puisque lorsque le mot « compétition » entrait en ligne de compte, normalement, je devenais un peu plus combattive. Par contre, je n’allais pas mettre en péril la santé de l’enfant que je portais pour une histoire de course. Tout ce que j’espérais maintenant, c’était que Matt ne m’en voudrait pas trop une fois qu’il arriverait. Je regardai alors l’heure, et réalisant qu’il arriverait bientôt, je décidai d’enfiler un t-shirt et un short par-dessus mon maillot de bain pour le moment, et sandales aux pieds, je rangeai ce dont je n’avais pas besoin dans mon casier, avant de me diriger à la piscine, y attendant mon ami tout en faisant les cent pas autour de l’étendue d’eau tranquille, vu qu’il n’y avait personne pour le moment, ce qui était tout à fait normale, vu l’heure matinale.

N’ayant pas mon téléphone, et n’ayant pas envie de commencer à harceler Matt pour savoir quand il arriverait, parce que le connaissant, il était rarement en retard, il ne me restait pas grand-chose à faire en attendant, outre me promener, mais considérer la piscine vide, cette piscine que j’avais vu je ne sais plus combien de fois, ce n’était pas le truc le plus passionnant du monde, surtout que je connaissais limite le nombre de carreaux qu’elle contenait. Après, il était toujours certain que je tentais toujours de voir si je serais en mesure d’être aussi efficace que d’habitude à la nage, malgré le fait que j’allais me transformer en sous-marin humain pendant un moment, mais maintenant, j’étais plus résignée à y aller, et je savais parfaitement que dès que Matt arriverait, je n’aurais plus vraiment de doutes et d’hésitations, ou du moins, j’espérais ne plus en avoir d’ici là.

Heureusement, j’avais visé juste; quelques minutes plus tard, le jeune homme apparut près de la piscine, me demandant si j’étais prête à m’avouer vaincue. Je me tournai pour lui faire face, un sourire un peu malicieux aux lèvres, lui demandant, sans maintenant aucune hésitation : « Salut ! J’allais te poser la même question, pour tout dire. » Bien sûr, je ne le pensais pas vraiment, mais ça, Matt le savait déjà, je n’avais pas besoin de mentionner que c’était rien d’autre qu’une pique pour l’embêter un peu, pour faire allusion à cette idée de compétition qui n’était rien d’autre qu’une partie de plaisir pour faire ce qu’on aimait le plus et y apporter une petite touche amusante le temps qu’on y était. Évidemment, pour rester dans cette idée, je n’allais pas tout de suite lui faire part de mes craintes, de ce à quoi j’avais pensé plus tôt dans les vestiaires, déjà qu’il était plutôt évident que je n’avais pas la forme et la silhouette que j’avais habituellement. Enfin, s’il pensait que j’avais trop mangé pour le petit-déjeuner, à ce point, c’était de la pure naïveté, d’autant plus qu’il me semblait avoir mentionné à sa sœur, Maëlia. Après, je ne savais pas si elle lui avait dit ou non, mais je le saurais éventuellement, ou du moins, je me doutais bien que je le saurais. Toutefois, ça allait attendre un peu, naturellement, puisque maintenant, c’était la guerre. Enfin, pas vraiment, mais c’était beaucoup plus amusant de se comporter comme si c’était le cas. Il était certain que j’aurais pu demander à Matt comment il allait, prendre de ses nouvelles, mais je le ferais après, avec grand plaisir même. C’était plutôt le moment de se concentrer sur cette fameuse course, que nous devions faire avant que les premiers clients arrivent, histoire de ne déranger personne, ce que discuter ne ferait pas, évidemment. Mains sur les hanches, je regardai mon ami, et toujours ce faux air sérieux au visage, je lui demandai : « Alors, quel est le programme ? » Par ces mots, je lui demandais surtout le nombre de longueurs, le type de nage. J’étais prête à tout, et plutôt versatile, à mon avis, et selon mes souvenirs, j’avais choisi la dernière fois, donc maintenant, c’était son tour, si on suivait la logique.

Même si je savais très bien qu’il ne tenait pas ces propos de façon méchante, je ne pus m’empêcher de prendre un air faussement offusqué lorsque Matt parla de moi comme étant une grosse baleine, annulant cette fameuse course par la même occasion, si j’avais bien compris ses dires. Comment je savais qu’il blaguait ? Tout simplement parce que non seulement, rare étaient les hommes qui se permettaient de traiter une femme ouvertement de grosse baleine et vraiment le penser, mais de plus, traiter une femme enceinte de grosse baleine pouvait être encore plus dangereux pour le dit homme, sans parler du fait que même si en effet, j’avais pris du poids, et qu’à chacune de mes grossesses, j’en avais toujours pris plus que la normale des autres femmes, il n’en demeurait pas moins que j’étais encore en mesure de porter mon maillot de bain de façon convenable et ça, c’était une preuve que je n’en étais pas encore au stade de dit « grosse baleine ». Après, ce n’était pas vraiment ça le but, l’essentiel que j’avais retenu était surtout qu’il ne voulait pas participer à cette course, ne la jugeant pas équitable. Après, il était vrai que je partais avec un gros désavantage, vu ma grossesse, mais cela ne voulait pas dire que j’étais totalement incapable de faire quoi que ce soit dans l’eau. J’étais enceinte, mais pas infirme, après tout. Voilà pourquoi je me permis alors de dire : « Équitable ? Avoue plutôt que ton orgueil en prendrait un coup si je gagnais quand même ? » Il fallait avouer que là-dessus, je rendais la chose un peu utopique, mais bon, pourquoi se passer d’une dernière taquinerie, après tout ?

Après ça, je n’aurais pas eu l’occasion d’en rajouter une couche supplémentaire, puisque Matt choisit ce moment pour sauter dans la piscine, chose que je ne l’empêchai pas de faire. Si on ne faisait pas de course, rien ne nous empêchait de nous baigner un peu quand même, surtout que ce serait probablement une des seules occasions que j’aurais dans la journée. Grimaçant au moment où il me demanda si j’avais besoin d’un coup de main, je ne me fis certainement pas prier pour sauter à l’autre à mon tour, sans aucune difficulté. Me laissant immerger de la tête aux pieds, j’attendis une seconde ou deux avant de remonter à la surface. J’envoyai alors mes cheveux vers l’arrière, puis je dis, en souriant : « Ne t’en fais pas pour moi Matt, je suis encore capable de me baigner normalement ! »